Les Francofolies : Alain Chamfort en 5 chansons
Véritable star de la chanson française depuis au moins 45 ans, Alain Chamfort a sorti cette année son seizième et ultime album, « L’impermanence ». Ultime, c’est en effet lui qui le dit : il n’y en aura plus d’autre… Mais les concerts eux continuent, et c’est tant mieux parce que pour cette tournée, Chamfort s’est entouré des musiciens de Juliette Armanet : autant dire que tous ses tubes (et ils sont nombreux) connaissent une nouvelle jeunesse, en se parant d’un groove pimpant qui n’a rien perdu de sa classe… Et de sa grâce, comme toujours. Retour sur une carrière légendaire en cinq de ses plus grandes chansons.
« Le Temps qui court » (1975)
Après une décennie d’essais manqués à jouer les mods dans des cover bands et le pianiste pour Dutronc, Alain Chamfort rencontre Claude François qui le prend sous son aile. De 1972 à 1975 il enchaîne ainsi les tubes pour midinettes (« L'Amour en France », « Adieu mon bébé chanteur »,…), jusqu’à ce « Temps qui court » en 1975, son premier vrai tube « respectable ». Cloclo trouvait la chanson « trop lente » mais Alain l’aime bien et l’enregistre quand même, ce qui marque la fin de leur collaboration. Pour rappel il s’agit d’une cover du hit « Could It Be Magic » de Barry Manilow, inspirée librement du… Prélude en do mineur op. 28 no 20 de Frédéric Chopin. Chamfort sera le premier à en faire une reprise, avant Donna Summer, Take That et Alliage.
« Manureva » (1979)
Le plus gros tube d’Alain. Plus d’un million d’exemplaires physiques (à l’époque c’est énorme), ce qui lui permet de relancer sa carrière après trois premiers albums boudés par le public (l’album-compile « L'Amour en France » en 1973, « Mariage à l’essai » en 1976 et « Rock’n rose » en 1977). Les paroles sont écrites par Gainsbourg himself, en fait un hommage à Alain Colas, navigateur français disparu en mer l’année précédente à bord de son trimaran « Manureva » (« Oiseau de voyage » en tahitien). « Bateau fantôme, toi qui rêvas / Des îles et qui jamais n'arrivas / Là-bas (là-bas) » ! Sur des airs de disco mélancolique qui n’est pas sans rappeler Duran Duran et Bryan Ferry, la chanson n’a pas pris une ride. Un classique intemporel.
« La Fièvre dans le sang » (1986)
Encore un hit, cette fois signé Jacques Duvall aux paroles et Marc Moulin à la compo : autant dire un duo de choc – pour rappel « La Banana Split » de Lio, c’est eux. D’ailleurs c’est Lio qui a présenté Duvall à Chamfort aux début des eighties… Débute alors l’une des plus belles collab’ artistiques de la chanson française : une cinquantaine de titres au compteur en quatre décennies, et un paquet de tubes inoubliables, de « Paradis » à « Clara veut la lune ». Parmi ceux-ci cette « Fièvre dans le sang », en fait une face B à la base (celle de « Traces de toi »), et un hommage à peine déguisé au chef-d’œuvre d’Elia Kazan « Splendor in the Grass ».
« L’Ennemi dans la glace » (1993)
En 1993 Alain Chamfort célèbre ses vingt ans de carrière avec son neuvième album, sobrement intitulé… « Neuf », titre pour le moins paradoxal puisque le chanteur connaîtra une relative traversée du désert durant toutes les années 90. On retiendra néanmoins ce joli titre auréolé d’une Victoire de la Musique en 1994, pour son clip en morphing (c’est la mode) réalisé par Jean-Baptiste Mondino. Une réflexion sur le double, sur le « je est un autre » (merci Rimbaud), enfin vous voyez le tableau : Chamfort se retourne sur son passé, ose un premier bilan, le tout sur une très belle mélodie au piano, comme lui seul en a le secret. Classe.
« La Grâce » (2024)
À 75 ans, Alain Chamfort sort son seizième album, « L’Impermanence » : il a dit que ce serait son dernier, même s’il ne ferme pas la porte aux live et à la parution d’éventuels singles, comme dans les années 60 (et qui sait, en format 45 tours ?)… Précédé d’un EP produit par l’ineffable Sébastien Tellier, l’album se veut donc une sorte de point d’orgue, mais pas une épitaphe. Sur « La Grâce » il chante ainsi : « Ne serait-ce qu’une fois hélas / Ne serait-ce qu’un instant fugace / Aurais-je su toucher la grâce ? / Aurais-je su toucher les gens / Autant que ceux qui m’ont touché ? ». La réponse est oui, évidemment… Et on vous laisse mater le clip qui est à l’avenant (= beau à pleurer), avec en guest-stars les meilleurs auteur·rices/compositeur·rices de la chanson française d’hier et d’aujourd’hui (de Bertrand Belin à Francis Cabrel en passant par Samson, Souchon, Daho ou encore Adamo). Grâce éternelle.
Regardez tout ce que vous aimez, où et quand vous voulez.